Les risques d'un accident industriel et pédagogique majeur ne sont pas à exclure, il faut pour l'éviter obtenir un report - a minima de l'année de première - pour traiter les incohérences majeures d'une réforme bâclée.
Tous les militants, adhérents et sympathisants du Sgen-CFDT qui travaillent dans les lycées sont appelés à se mobiliser pour démontrer que la réforme des lycées et du baccaluréat va poser de multiples problèmes qui ne feront qu’aggraver une situation déjà problématique pour les élèves comme pour les personnels.
Afin de permettre toute forme de mobilisation le Sgen-CFDT a déposé un préavis de grève qui concerne tous les personnels pour toute la période allant du 21 janvier au 28 février 2019
Le Sgen-CFDT invite tous les élus en Conseil d’Administration, correspondants d’établissement, représentants siégeant dans les conseils pédagogiques :
- à préparer des motions et des voeux dans les CA et dans les conseils pédagogiques pour contester le bien fondé de cette réforme ;
- à obtenir que la réforme ne supprime aucun poste ;
- à organiser ou à participer à des heures d’information syndicale pour débattre des formes d’action à mener au plan local contre cette réforme et obtenir a minima le report de la mise en place de l’année de première à la rentrée 2020.
Les incohérences à résoudre par la négociation sont en effet majeures
Une réforme toujours en quête de sens
Au-delà d’une vision technicienne, la philosophie générale de la réforme n’a jamais été précisée :
– Qu’est ce qui fera la pertinence d’un parcours : les résultats de chaque spécialité à l’épreuve terminale, ou la pertinence du choix de 3, puis 2 spécialités pour se préparer à un cursus post-bac ?
– Comment le droit à l’erreur et au changement de parcours sera-t-il permis ?
– Y aura-t-il égale dignité pour chacune des spécialités ou, comme aujourd’hui avec la filière S, des choix plus « utiles » que d’autres ?
Sans réponse claire à ces questions fondamentales on assistera à une reconstitution de l’existant avec de nouvelles filières toujours aussi hiérarchisées entre elles et discriminantes.
Des programmes trop souvent inadaptés à la réalité des élèves et à la logique de parcours
– Les programmes de Seconde sont plus lourds, avec des objectifs plus ambitieux dans le même cadre horaire. Le risque de décrochage d’une partie des élèves, sans autre horizon que le redoublement ou la réorientation, n’est pas anticipé alors qu’il est réel. Des ajustements et des allégements seront nécessaires. La suppression des enseignements d’exploration ne va pas faciliter la construction des parcours.
– Les programmes de première n’ont pas résolu la question de la cohérence entre tronc commun et spécialités. L’exemple des Mathématiques est à ce titre le plus éclairant. Alors que le rapport Villani-Torossian préconisait en même temps de former des spécialistes et de réconcilier chaque génération avec les maths, le second objectif a été oublié en cours de route. C’est pour cette raison que le Sgen-CFDT demande la création d’une option « maths de réconciliation » en première.
– Les programmes de première ne prennent pas en compte les élèves qui abandonneront la spécialité en terminale.
– Les programmes de terminale et donc leur articulation avec les attendus du supérieur ne sont pas connus pour l’instant, ce qui pose un problème majeur pour accompagner les lycéens dans leur parcours.
Un accompagnement affiché mais négligé
L’accompagnement est un enjeu essentiel du lycée, affirmé comme tel par le ministre. C’est une tâche qui concerne l’ensemble de l’équipe pluri-professionnelle. Pourtant :
– les 54 heures d’aide à l’orientation relèvent pour l’instant de l’affichage, ne figurent pas dans les emplois du temps des élèves, et ne sont pas financées dans la DGH ;
– la disparition totale du fléchage de moyens pour l’accompagnement personnalisé remet en cause les stratégies d’accompagnement et de remédiation en direction des élèves ;
– la reconnaissance de la mission de professeur principal n’a été consolidée qu’en terminale, alors que cette mission s’est alourdie à tous les niveaux du lycée, en particulier en seconde avec le choix des spécialités.
Une formation qui n’a pas été anticipée
L’expérience de la réforme du collège montre qu’une année de formation préalable est nécessaire, mais pas forcément suffisante, faute notamment de formation de formateurs. L’appropriation des nouveaux programmes, de l’articulation entre tronc commun et spécialités, des nouvelles modalités d’évaluation et de la logique de parcours nécessite des plans de formation nationaux et académiques structurés et cohérents.
La mise en œuvre de la nouvelle spécialité NSI nécessite des personnels formés dont le vivier reste à constituer. Cette question n’a visiblement pas été suffisamment anticipée. L’enseignement Sciences numériques et technologie en seconde pose aussi clairement un problème de ressources humaines, que pour l’instant le ministère minimise. Certes, la création d’un CAPES d’informatique est annoncée, mais il faudra de longues années avant que les effets concrets réels ne s’en fassent sentir.
Des moyens insuffisants pour garantir le choix de l’élève
La réforme du lycée repose sur le principe du libre choix des spécialités par l’élève, ce qui implique :
– des moyens en terme d’accompagnement, qui ne sont pas garantis (voir plus haut) ;
– des moyens pour créer un nombre suffisant de groupes de spécialités, qui ne sont pas non plus garantis. Pour que le choix des spécialités par les élèves (et leur famille) soit effectif, les établissements doivent organiser les emplois du temps à partir du choix des élèves, et non en amont, avec des combinatoires préalables imposées par classe. Cela nécessite donc de créer plus que les trois groupes de spécialités prévus par division de 1ère. Or la marge horaire de 8 heures ne peut pas être consacrée uniquement à cela, puisqu’elle doit permettre d’améliorer le taux d’encadrement (dédoublements / groupes à effectifs réduits), mais aussi de mettre en place l’accompagnement personnalisé et l’accompagnement à l’orientation.
L’angle mort de l’évaluation
L’argument des « bacs blancs qui comptent » utilisé dans la communication ministérielle n’est pas une réponse satisfaisante : faudra-t-il des « bacs blancs qui ne comptent pas » pour préparer « les bacs blancs qui comptent » ? Le calendrier des épreuves de contrôle continu du bac annonce une accentuation des travers du lycée actuel, à savoir la pression de l’examen et l’intensification du travail des personnels.
Il est impératif de prendre le temps du débat, en identifiant ce qui relève de l’évaluation pour les apprentissages et de la certification pour le diplôme, en définissant les modalités les plus appropriées pour chacun des deux, et en accompagnant les équipes dans ce chantier.
Il faut également ouvrir sans délai des concertations sur la nature et les modalités de passage des épreuves terminales, en particulier celle du grand oral.