Direction d’école et COVID : enquête flash, la direction au quotidien, témoignage

Pour prendre le pouls des directeurs·trices en ces temps agités...

Enquête flash enquête

La #TeamSgenAquitaine vous propose de compléter une enquête en ligne pour inventorier concrètement les conditions de travail des directeurs·trices en cette période agitée.

Nous souhaitons nous appuyer sur vos remontées afin de continuer et d’amplifier le débat autour de la direction d’école localement.

Bien évidemment, nous rendrons compte des retours de cette enquête.

La direction d’une école au quotidien, c’est quoi sous la Covid-19?

SOUTENIR ET RÉCONFORTER

Rien qu’une pression supplémentaire pour soutenir les collègues qui sont tous à bout à la fin de chaque journée. Tellement déçu·es de faire un enseignement qui les frustre un peu plus chaque jour.

Les masques transparents ne sont pas livrés. Les enseignant·es font de la phonologie mais dans quelles conditions? La communication est difficile avec certains élèves. L’évaluation est biaisée par le port du masque.

Alors les directeurs et directrices confortent et réconfortent à longueur de temps les collègues dans leurs missions.

Les enfants sont anxieux et vivent dans un inconfort quotidien. Mais l’école reste encore un lieu moins anxiogène par l’ambiance que les enseignant·es et le directeur ou la directrice impulsent. Une mission de plus.

DIFFICULTÉ À SE PROJETER

La mise en route des travaux pour l’écriture du projet d’école a mis les directeurs et directrices dans une situation inconfortable. Comment demander aux collègues de se projeter alors que demain n’est pas assuré en présentiel?
Comment imaginer le futur? Quels enseignements deviendront prioritaires parmi les fondamentaux?
Quels enseignements peuvent se faire en distanciel pour être plus efficace sur les apprentissages en présentiel?
Nous continuons à nous former individuellement au distanciel, au cas où…

ASSURER LE SUIVI DE L’ÉPIDÉMIE

Nous devons aussi gérer les cas dits « Contact » par l’ARS car nos élèves sont en contact avec ceux de l’école privée sur les temps du mercredi et qu’il faut immédiatement les isoler et les faire tester.  Alors que nous passons nos semaines à éviter les brassages, à construire des séances et des récréations avec le moins de contacts possibles. Et pour autant nous gérons les conséquences d’une autre mise en œuvre de la gestion de la Covid.

ET DEMAIN?

Notre demain c’est quoi? Répondre à un questionnaire, prévoir des effectifs, lire la FAQ du Covid, recevoir des parents pour les rassurer sur les apprentissages de leur enfant, mettre en place les exercices PPMS, vérifier que le ménage est bien fait avec les procédures de désinfection, vérifier que les collègues ont du gel hydroalcoolique, que les savonniers sont remplis…

Nous avons reçu un plan de formation, les collègues sont très déçu·es par son contenu. Il ne répond pas aux questionnements du moment. Que dire en temps que directeur ou directrice quand les collègues pensaient pouvoir enfin organiser des formations avec lui/elle au plus proche de leur quotidien.

Sans parler des mails et des coups de téléphone intempestifs qui nous prennent aussi du temps mais cela existait déjà avant.

Alors oui, les directeurs et directrices sont épuisé·es, non reconnu·es et un peu seul·es dans cette tempête qui n’en finit pas.

Comme l’a lui-même reconnu le Ministre, les directeurs ont permis de réussir le confinement et encore plus le dé confinement en adaptant les décisions à chaque école.

Ils ont terminé l’année épuisés, et ce premier trimestre s’est révélé encore pire avec, notamment, la mise en place du Protocole Sanitaire, seuls dans l’organisation et les prises de décision.

L’école doit gagner en autonomie. Cette période a montré que laisser plus d’autonomie aux directeurs est une solution efficace.

Le Gouvernement, au travers des différents groupes de travail, et ateliers du Grenelle de l’Éducation, affiche une volonté de réformer le premier degré, pour le rendre plus efficient : il s’agit maintenant d’en avoir les mesures concrètes, et tout particulièrement au niveau de l’augmentation, sur un plan pluriannuel, des temps de décharge, afin de pouvoir mieux exercer les missions au quotidien.

A ce jour, il n’y pas de témoignage de la reconnaissance du métier de directeur.

 

Il faut vraiment aller vers un statut d’emploi fonctionnel de directeur d’ Établissement du Premier degré, sans position hiérarchique par rapport aux enseignants.

 

Je ne suis plus directrice… Témoignages de directrices et d’un directeur qui ont jeté l’éponge…

Il n’existe aucune statistique officielle tant au niveau national que départemental sur le nombre de postes de direction vacants à chaque rentrée… syndicalement, nous estimons que c’est en réalité environ 10% des écoles dont la direction n’est pas pourvue… et la situation évolue ces dernières années avec également des directions avec 100% de décharge qui restent vacantes.

Alors, à défaut d’avoir ces chiffres, voici les mots de certain·es de nos collègues…

JE NE SUIS PLUS DIRECTRICE ET…

Régulièrement encore, quand j’ouvre la petite trousse dans laquelle je garde mes clefs USB, j’ai un moment de panique: aurais-je perdu la clef OTP??? …. Ouf! C’est vrai, je ne suis plus directrice.

En m’installant dans ma nouvelle école en août, j’ai trouvé une directrice qui n’avait pas le temps de préparer sa classe et qui devait gérer les demandes de l’institution pour la mise en place du PPMS. J’ai été soulagée de ne pas subir cette pression de façon directe. Je me suis rendue compte que c’était le premier été que j’avais passé sereinement depuis 7 ans. Tout le stress avait très vite disparu.

Quelques temps après avoir rendu ma clé OTP, je me suis réveillée en pleine nuit avec une impression étrange. J’ai ouvert les yeux et ai réalisé qu’il faisait jour. C’était donc ça cette drôle de sensation: j’étais reposée après une nuit entière de sommeil sans interruption. J’avais oublié ce que c’était.

ON NE M’Y REPRENDRA PAS…

Lorsque nous nous réunissons dans la salle commune pour le repas, nous parlons de tout et de rien, de nos élèves mais aussi de nos familles.

Mais lorsque notre directrice adorée entre à son tour, elle est immédiatement assaillie de « petites » questions… Par tout le monde en même temps ou presque, des questions qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Des questions qui sont toutes la suite de projets différents. Elle n’a pas le temps de sortir son plat qu’elle a déjà du penser à 15 trucs différents.

« As-tu pensé à envoyé le mail à la mairie pour…?

« Est-ce que tu sais où en est le dossier MDPH de …? »

« Peux-tu me (re)dire quel jour…? »

« J’ai posé ma feuille sur ton bureau pour que tu la signes, je l’enverrai après »

« Je me suis occupée du projet truc, je vous explique tout ça au prochain conseil des maitres »

« Le papa de machin est venu me voir pour… »

« Tu n’oublies pas que je suis absente tel jour à cause de…? »

« As-tu eu une réponse de…? »

« Le ménage, hier, c’était pas top, est-ce que tu peux dire…? »

« Comment on fait quand…? »

« Est-ce qu’on peut…? »

« Que dit l’IEN au sujet de…? »

« Ta fille va mieux ? »

Je verrais presque les phrases fuser en tous sens dans l’air. Et ce que je ressens immédiatement, pleinement, c’est à quel point je suis soulagée de ne pas avoir « rempilé »… 

JE NE SUIS PLUS DIRECTRICE PARCE QUE…

Je ne souhaitais plus que ma famille passe après. Passer des mercredis, des soirées et des week-ends à travailler pour la direction. Ma 3ème grossesse a été l’élément déclencheur de cette réflexion. Avant elle, je me noyais et n’étais pas capable de me rendre compte de l’emprise que la direction avait sur moi. 

J’en avais assez de rager contre la hiérarchie pour toutes leurs enquêtes inutiles, dont on ne voit jamais la concrétisation sur le terrain. J’en avais marre de palier « leurs » manquements, leur méconnaissance du terrain, leurs contradictions. Je n’en pouvais plus de trier : « ça c’est une demande inutile, je l’enterre en dessous de la pile »… 

J’ai été chargée d’école en début de carrière, puis directrice pour dépanner. Et puis vraie directrice à ma demande, après inscription sur la liste d’aptitude. J’ai adoré cette fonction et porter les projets de l’école, de l’équipe. A l’époque, les rythmes scolaires étaient d’actualité. Le travail en collaboration avec l’équipe de la circonscription et l’IUFM dans le cadre de la charte du XXIème siècle était passionnant à mener (au passage, où sont passées les conclusions de ce beau chantier collectif?).
En revanche, la fonction était déjà lourde à porter. La naissance de mon premier enfant a conduit mon conjoint à me demander de quitter la direction d’école pour retrouver un équilibre familial plus sain. Pour moi, pour nous. Il a hélas eu raison. Concilier classe, direction et vie personnelle sans mettre en jeu ma santé, ou un des pans de ma vie était devenu impossible.  Peut-être y retournerai-je un jour… 

JE NE SUIS PLUS DIRECTEUR…

J’ai quitté la fonction de direction depuis des années pour prendre plus de responsabilités syndicales. Il m’a fallu choisir entre deux fonctions passionnantes et chronophages.

La direction ce n’est pas d’abord une fonction administrative, comme certains la présentent.

C’est d’abord une fonction de relations humaines: animation d’équipe et relations avec de multiples partenaires. C’est ce qui la rend passionnante et difficile à exercer si les conditions ne sont pas remplies pour le faire sereinement.

Le directeur que j’étais à plein temps était de plus chargé de classe. Il est difficile alors d’exercer bien son premier métier, enseignant, pour exercer aussi celui que j’avais choisi en connaissance de cause: directeur.

Si je l’ai quitté à l’époque, c’est parce qu’il n’était pas reconnu à la hauteur de l’engagement attendu de tous bords par les différents partenaires, à commencer par l’Éducation nationale.

Il faut du temps pour exercer ce métier et l’école a besoin d’un statut clair. Actuellement une majorité des décisions importantes sont prises en dehors de l’équipe et de la direction.

La situation n’a fait que se complexifier depuis que j’ai quitté cette fonction. Le numérique, sensé alléger la tâche, augmente de fait la pression sur les directeurs et directrices.

Je comprends les collègues qui quittent la fonction devant l’absence de reconnaissance qui devrait permettre un équilibre personnel et professionnel, mais aussi ceux qui restent en responsabilité, car elle reste passionnante.