Annoncé début janvier, le Plan maternelle n'est pas la révolution que l'on pouvait craindre. Il pose des principes importants (place du langage, besoins de formations, ...) mais l'approche reste verticale et la référence aux fondamentaux et aux évaluations trop marquée.
Un plan d’action pluriannuel pour la maternelle
Une note de service ministérielle du 11 janvier 2023 (voir en fin d’article) présente les éléments du plan maternelle précédemment annoncé par le ministre de l’Éducation nationale.
Ce plan d’action, dont le déploiement doit s’étendre sur plusieurs années, prévoit en particulier un plan de formation pluriannuel pour les enseignant.e.s et les directeurs et directrices d’école mais aussi pour les personnels d’encadrement qui piloteront sa mise en oeuvre.
Il met également l’accent sur « l’installation des premiers apprentissages fondamentaux » avec comme priorité : le langage et les premières notions de mathématiques.
Un rappel des fondements essentiels de la maternelle
Avant la publication de la note définissant le plan d’action, des craintes légitimes s’étaient exprimées afin de défendre les fondamentaux de la maternelle en France. Le Forum Maternelle, dont fait partie le Sgen-CFDT, avait d’ailleurs publié une Tribune dans le Monde afin de mettre en garde contre toute mesure pouvant aller vers une élémentarisation de l’école maternelle.
En reprenant et rappelant les principes posés par les programmes de 2021, la circulaire marque la volonté ministérielle de ne pas rompre avec les identifiants de l’école maternelle. Une école dont la mission est de « donner envie d’aller à l’école pour apprendre, pour affirmer et épanouir sa personnalité, pour exercer leur curiosité sur le monde qui les entoure, tout en respectant le rythme de développement de chacun… ».
Donner les moyens aux enseignant.e.s de construire une scolarité bienveillante
Comme la note de service le rappelle, le jeune enfant qui entre à l’école doit avant tout être sécurisé. Cela passe notamment par des partenariats avec la famille, les ATSEM ou encore les services de la petite enfance. Il faut en effet être conscient de la variété des modes de garde qu’ont pu connaitre les enfants avant leur scolarisation. Des éléments à prendre compte pour qu’ils ne perdent pas tous leurs repères et puissent se sentir en confiance.
Si l’objectif est louable, comment assurer une personnalisation de l’accueil lorsque l’arrivée à l’école se traduit souvent par l’intégration d’un groupe classe où il peut y avoir 30 élèves et au mieux deux adultes ?
D’autre part, créer des partenariats, individualiser les échanges demande du temps, ce que les personnels n’ont pas.
Pour le Sgen-CFDT, pour améliorer l’accueil et sécuriser les plus jeunes enfants, il faut d’abord faire baisser les effectifs des classe, assurer la présence d’une ATSEM dans chaque classe et donner du temps aux enseignant.e.s pour construire des partenariats.
Des formations sur le pilotage et les fondamentaux
Le plan met l’accent sur le pilotage des écoles maternelles (formation des IEN). Il vise aussi la mise en œuvre d’un plan de formation des enseignants aux spécificités de l’école maternelle, formation des directeurs et directrices des écoles maternelle au pilotage du projet pédagogique de l’école et à l’animation des concertations dans le cadre du Conseil National de la Refondation.
Au vu des difficultés rencontrées depuis de nombreuses années pour assurer la formation continue des professeurs des écoles on ne peut que s’interroger sur la capacité de l’institution à assurer l’ambitieux plan de formation annoncé par le ministère.
Le Sgen-CFDT dénonce depuis de nombreuses années la baisse des moyens de remplacement dédiés à la formation continue qui ne peut en aucun cas se limiter aux animations pédagogiques ou à des dispositifs « Constellations » centré sur les apprentissages fondamentaux.
Pour le Sgen-CFDT, il ne faut pas oublier que l’enfant de maternelle est un élève en devenir qui a aussi besoin d’être à l’aise avec son corps et dans l’espace, qui a besoin d’activités coopératives pour se socialiser et de jouer et manipuler sans passage prématuré à l’abstraction.
Les plans de formation doivent donc tenir compte de toutes les spécificités de la maternelle si l’on veut préserver les pratiques pédagogiques qui lui sont propres et ne pas risquer d’adopter prématurément celles de l’école élémentaire.
Pour le Sgen-CFDT, les références appuyées et répétées aux résultats des évaluations de CP peuvent avoir des effets pervers dans ce domaine. Travailler les compétences évaluées à l’entrée au CP est une chose, préparer les élèves aux évaluations en est une autre. La natures des exercices qui constituent l’évaluation CP est d’ailleurs remise en cause par nombre de collègues pour qui la modalité d’évaluation peut mettre un élève en échec même lorsque la compétence est maitrisée.
Des formations inter-catégorielles
L’axe formation est très présent dans ce plan. On y annonce aussi le besoin de mettre en oeuvre des formations inter-catégorielles. Ces temps pourraient rassembler les enseignant.e.s mais aussi les ATSEM ou les éducateurs de jeunes enfants.
On ne peut que saluer l’intention. Mais il faut que l’équipe pédagogique puisse en être à l’initiative. Des formations qui répondraient à une demande des cadres et dont les contenus ne s’appuieraient pas sur les besoins recensés auprès des intéressés n’auraient pas de sens.
Les personnels des écoles maternelles sont particulièrement concernés par les problématiques liées à l’inclusion scolaire. Pour le Sgen-CFDT, il doivent donc aussi pouvoir bénéficier de formations spécifiques sur le repérage des difficultés et l’accompagnement des élèves à besoins particuliers, des formations auxquelles les AESH doivent aussi être associés.
Attention à la mise en œuvre au niveau local
Le plan ministériel met l’accent sur la formation spécifique à la maternelle et rappelle que ce passage est fondamental pour l’avenir scolaire de l’enfant. S’il met l’accent sur l’installation des premiers apprentissages (langage, mathématiques) et fait référence aux évaluations de CP, il ne prescrit pas pour autant des pratiques pédagogiques qui relèveraient d’un « bachotage » en vue des évaluations de CP.
Reste maintenant à savoir comment il sera interprété et décliné par les hiérarchies intermédiaires qui agissent trop souvent sur le mode injonctif confondant pilotage et contrôle. Pour le Sgen-CFDT, c’est la confiance aux enseignant.e.s qui doit prévaloir pour la mise en oeuvre de ce plan.