Le droit de retrait permet, sans autorisation, à un fonctionnaire de ne pas accomplir une mission – de ne pas faire son travail – si celle-ci pré
sente un « danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé », sans que ce soit pour autant un abandon de poste entraînant une sanction ou un retrait de salaire ; il autorise aussi à quitter le lieu de travail pour se mettre à l’abri. Cette procédure constitue ainsi un recours contre un abus de pouvoir de la hiérarchie ou une négligence importante concernant les conditions de travail, ou plus simplement pour faire face à une situation d’urgence. Elle existe aussi dans le secteur privé [1]. C’est un droit individuel, mais qui peut s’exercer collectivement.
Quel danger peut justifier un droit de retrait ?
Le danger susceptible de déclencher un droit de retrait doit être caractérisé.
Selon la jurisprudence le danger grave est « un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ». Ensuite, le danger imminent peut être défini par « tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché ».
Comment exercer son droit de retrait ?
L’agent confronté à une telle situation peut cesser et quitter son travail pour se mettre hors de danger à condition que ce
retrait ne crée pas une nouvelle situation de danger pour autrui (les enseignants en charge d’élèves ne peuvent exercer un retrait qui laisserait sans surveillance les élèves dont ils ont la charge). Le chef de service ne peut lui demander de reprendre son activité si le danger persiste.
Puis-je être sanctionné si j’exerce mon droit de retrait ?
Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un agent ou d’un groupe d’agents ayant exercé ce droit, à condition qu’ils aient agi de bonne foi. Le chef de service doit immédiatement procéder à une enquête avec le représentant du CHSCT qui lui a signalé le danger. Il informe le comité des décisions prises. En cas de divergence sur les mesures à prendre, le CHSCT compétent est réuni en urgence dans les 24 h et émet un avis. L’inspecteur du travail est informé de cette réunion et peut y assister. Après avoir pris connaissance de l’avis, le chef de service arrête les mesures à prendre. En cas de nouveau désaccord l’inspecteur du travail est obligatoirement saisi.
Le droit de retrait: une procédure de sauvegarde, mais pas un substitut à la grève
Mais attention : il ne s’agit pas d’une aubaine qui permettrait de faire grève sans perte de salaire. Certains syndicats ont tendance à le laisser entendre. Or tout abus, même de bonne foi, peut se retourner contre le fonctionnaire, notamment par un retrait de salaire. Il est cependant admis que, si le danger n’est pas réellement grave ou imminent, il suffit que le salarié ait pu raisonnablement le croire, eu égard aux circonstances.
Droit de retrait: des exemples
On peut exercer son droit de retrait en refusant:
- Lors d’une sortie scolaire, de monter dans un car qui n’est manifestement pas sûr, ou dont le chauffeur n’est pas en état de conduire.
- Ou de travailler dans une salle dont les éléments du plafond menacent de tomber.
- Ou de travailler exposé à des émanations toxique.
- Ou pour éviter un risque d’agression manifeste.
- Ou pour échapper à un harcèlement (voir plus bas).
Mais on ne peut pas légitimement y recourir pour protester ou échapper à des conditions de travail difficiles mais pas dangereuses. Ni créer une situation mettant en danger d’autres personnes.
En tout état de cause, on doit prévenir sa hiérarchie, ou un représentant du personnel au CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail), de la situation dangereuse et de sa situation de retrait. En ce qui concerne les enseignants, ils restent responsables des élèves. Ainsi, par exemple dans le cas d’une salle de classe dangereuse, il faut faire sortir les élèves, bien entendu, mais aussi continuer à les encadrer en-dehors de la pièce.
Une nouveauté : le droit de retrait en cas de harcèlement
Une circulaire du 4 mars 2014 émanant du Ministère de la Fonction publique, dans le cadre de la lutte contre le harcèlement sexuel et moral, et en application de la loi, précise [2] que le droit de retrait peut être utilisé en cas de harcèlement sexuel, et « pourrait être utilisé contre le harcèlement moral dès lors que le danger est considéré comme grave et imminent » [3] (le danger grave est justifié par le caractère humiliant et hostile, et les conséquences psychologiques que cela peut entraîner chez la victime ; le caractère imminent dépend du contexte). L’emploi du conditionnel du deuxième cas, lié au fait que la circulaire traite fondamentalement du harcèlement sexuel. Quoiqu’il en soit, il s’agit là d’un outil nouveau pour lutter contre le harcèlement.
Cela dit, le droit de retrait ne peut pas suffire. On ne saurait trop conseiller de prévenir très rapidement un responsable du syndicat, voire directement son représentant au CHSCT : une situation de harcèlement est toujours trop grave et difficile pour qu’on l’affronte seul. En fait, faire appel aux élus CHSCT n’est pas obligatoire mais mieux, pour qu’ils déclenchent en parallèle ce qu’on appelle une « procédure d’alerte ». Ça entraîne une saisine automatique du CHSCT, ce qui permet une certaine transparence : l’élu doit être associé à l’enquête administrative, et si ses conclusions divergent de celles de l’autorité, cela déclenche une réunion plénière sous 24h du CHSCT. Dans tous les cas, la situation doit être consignée dans le registre de signalement d’un danger grave et imminent. Le chef qui ne peut le produire est en faute. Notez d’ailleurs que si c’est le Rectorat qui doit gérer l’aspect juridique, ce sont les chefs qui sont tenus de mettre en œuvre des mesures de protection du collègue victime, sous peine d’être juridiquement en « faute inexcusable ».
D’une manière générale, n’hésitez pas à informer le syndicat d’un cas d’usage de droit de retrait. D’une part des conseils et du soutien ne sont pas à négliger pour prévenir une mauvaise interprétation de la situation par ses chefs. D’autre part, elle peut être le révélateur d’un problème plus collectif de conditions de travail. Et la solidarité syndicale sert à résoudre ce genre de difficultés.
[1] Article L. 4131-1 du Code du travail pour les salariés du secteur privé ; article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 pour les fonctionnaires.
[2] Loi n°2012-954 du 6 août 2012 sur le harcèlement sexuel.
[3] Annexe de la circulaire n° SE1 2014-1 du 4 mars 2014, page 14.