PISA 2022 : pour la France, tenir compte de toutes les données !

La sortie de l'enquête PISA est toujours accompagnée de mesures, de réformes censées faire mieux réussir les élèves. Le problème, comme l'a dit Andreas Schleicher au Sgen-CFDT, c'est que le regard n'est que partiel et ne prend pas en compte tous les paramètres nécessaires.

L’enquête Pisa 2022 a été publiée en décembre dernier. Les résultats pour la France ont poussé le gouvernement actuel à proposer le « choc des savoirs », mesures censées permettre une remontée du niveau des élèves.
Mais au-delà des classements sur les matières fondamentales, PISA, offre de nombreuses analyses du système éducatif.

Cependant, la vision partielle que fait le gouvernement de cette enquête  fausse les analyses et  les annonces sur les groupes de niveaux en sont l’exemple le plus criant.

PISA 2022 : Andreas Schleicher a échangé longuement avec le Sgen-CFDTPISA 2022 : rencontre avec Andreas Schleicher de l'OCDE

Le Sgen-CFDT a pu bénéficier d’une intervention d’Andreas Schleicher, Directeur de la Direction de l’Education et de la Compétences et Conseiller Spécial du Secrétaire Général chargé de la politique de l’éducation à l’OCDE.
Il a lancé et supervise aujourd’hui le programme PISA permettant aux décideurs, aux chercheurs d’étudier leurs systèmes éducatifs, en vue de les adapter, de les réformer.

Pour lui, il ne faut pas regarder par le petit bout de la lorgnette les classements PISA des matières fondamentales mais avoir une vision globale de son système éducatif.

Réduire les progressions des élèves, les réformes menées à des mesures partielles, c’est occulter que l’élève a besoin de nombreux autres facteurs pour être en capacité d’apprendre et notamment d’un environnement favorable.

Temps de classe, temps de l’élève : un enjeu majeur

En France, les élèves passent beaucoup de temps pour l’école comparativement à d’autres pays et dans un temps annuel parmi les plus contraint (900 h d’enseignement en primaire répartis sur 144 jours alors que la moyenne des pays de l’OCDE est de 780 h d’enseignement pour 178 jours).
Si l’on ajoute à ce temps passé dans les établissements scolaires, le temps des devoirs qui peut au lycée doubler le temps d’apprentissage dans la classe, on arrive à des élèves qui subissent une forte pression curriculaire.
Pour Andreas Schleicher, ce n’est parce qu’on passe beaucoup de temps pour l’école (dans et hors l’École) que l’on réussit le mieux, bien au contraire.

C’est bien l’articulation entre les temps et la place des membres de la communauté éducative qui doit être posée.

En France, les enseignants sont là pour l’enseignement et rarement pour autre chose. Dans certains pays, les professeurs passent le tiers de leur temps au soutien social des élèves.
Dès lors, Pisa a mesuré que lorsque les enseignants ne s’en tiennent pas seulement à leurs missions d’instructeurs, les résultats obtenus par les élèves sont meilleurs notamment parce que la relation de confiance indispensable à l’apprentissage peut s’installer.

Pour Pisa, la relation école parents est un gage de réussite

Pour l’OCDE, la manière dont on traite les parents, dont on travaille avec eux, joue un rôle primordial dans la réussite des élèves.
Cela a notamment des incidences importantes sur le climat scolaire et la capacité de l’élève à se sentir en sécurité.
Le problème aujourd’hui, c’est que de nombreux parents se comportent avec les établissements scolaires comme des consommateurs et de façon complètement individualiste.
A quoi cela tient -il ? A l’angoisse qu’ils peuvent avoir quant à la réussite de leurs enfants ? La société est aujourd’hui particulièrement anxiogène et l’école, si elle fonctionne en vase clos, véhicule ou un rejet, ou un manque de confiance.
C’est le cas de la France où le suivi de l’élève est très fragmenté.
Ce n’est pas le cas pour de nombreux pays dans le monde et notamment ceux qui arrivent en tête des classements PISA sur cette question du bien-être des élèves (Estonie, Finlande, Japon).
Dans ces pays, mieux connaître les élèves, travailler avec les familles n’est pas qu’un vœu pieux.
Ainsi au Danemark, 30 % du temps des enseignants s’effectue en dehors des classes pour rencontrer les familles, travailler entre collègues, construire les progressions des élèves, préparer collectivement les cours.

Pour l’OCDE, et PISA le montre, les enseignants doivent passer moins de temps à enseigner et plus du temps avec les élèves pour d’autres missions plus sociales et les accompagner.

Ainsi une des mesures à privilégier est de ne pas changer pour un professeur d’élèves d’une année sur l’autre mais de les suivre sur plusieurs années et ainsi installer cette relation de confiance.

Une corrélation entre les résultats des élèves et le milieu social d’origine en France plus forte qu’ailleurs dans le monde

En France, la réussite scolaire est très corrélée à l’origine sociale des élèves.
On est dans ce domaine parmi les plus mauvais élèves au niveau international. Ce déterminisme lié au milieu d’origine de l’enfant s’accroît particulièrement à partir du moment où les questions d’orientation, de choix de parcours scolaires se font plus forts notamment à la fin du collège et au lycée.
On y constate selon l’OCDE des différences très importantes entre les établissements suivant le public qui y est accueilli.
Pour PISA, cela tient aussi apparemment au niveau d’expérience des enseignants.
Ainsi dans certains pays, pour évoluer plus rapidement dans sa carrière, il convient d’accepter de travailler dans des établissements socialement moins aisés, en prenant des classes réputées plus difficiles. Concentrer les professeurs expérimentés sur des établissements aux origines sociales favorisées va inévitablement creuser les écarts.
Mieux formés, plus réactifs, ces enseignants expérimentés, selon PISA, sont mieux à même de répondre à la difficulté scolaire et d’aider les élèves pouvant avoir des difficultés. Si l’on ajoute à cela la coopération, l’accompagnement des enseignants expérimentés pour leurs homologues débutants, on obtient un rapport gagnant/gagnant qui bénéficiera avant tout aux élèves. C’est également un gage de fidélisation pour ces entrants dans le métier qui ne sont pas, d’entrée, confrontés à des situations qu’ils ne peuvent maitriser faute d’expérience.

Pour PISA : moins de verticalité, plus d’horizontalité et plus d’autonomie.

Une des autres caractéristiques est la très grande verticalité du système hexagonal, une hiérarchisation qui ne permet pas la prise d’initiatives et de répondre à des besoins spécifiques sur un territoire.

Manque de confiance des instances dirigeantes, contrôle administratif important, directives bloquantes, tout cela nuit à la fois aux élèves par manque d’adaptation possible mais surtout au bien-être des personnels.

Il faut donc pour l’OCDE plus d’horizontalité, laisser plus de liberté aux équipes dans les établissements scolaires pour s’organiser et construire des projets collectifs. Cette autonomie doit se combiner avec une nécessaire stratégie de collaboration.

Cela passe par la limitation du contrôle a priori pour passer à un « rendre compte » en fonction des objectifs que l’établissement, l’école auront fixés à l’avance.

La Finlande, l’Estonie, la Pologne étaient ainsi des pays où le système était très centralisé. Les changements majeurs opérés notamment autour de l’autonomie laissée aux acteurs locaux en font aujourd’hui des pays où les résultats des élèves sont parmi les meilleurs dans le monde.

Un Etat français, des décideurs français qui sont absents des réunions de concertations internationales sur l’Éducation

Comme on a pu le voir avec ces différents axes de progression de notre système éducatif, aller voir ce qui se passe à l’étranger, se concerter avec d’autres systèmes éducatifs peut être salvateur pour faire progresser les élèves.
Mais voilà, comme nous l’a dit Andreas Schleicher, jamais la France ne participe à ces réunions. A voir si elle sera présente lors des prochaines rencontres à Singapour.

Une chose est sûre pourtant, le Ministère utilise les résultats de PISA à sa convenance pour justifier d’orientations politiques pourtant très éloignées des recommandations émises par le rapport d’enquête de l’OCDE notamment pour la France.

L’exemple le plus sidérant est de justifier la mise en place des groupes de niveaux en se basant sur des expériences menées aux Pays-Bas, en Suisse ou a Singapour. Le gouvernement omet juste de dire que ces groupes sont temporaires et qu’ils se font dans une classe hétérogène avec plusieurs enseignants au sein d’une même classe. Il n’y a pas de recette toute prête.

Pour le Sgen-CFDT, ces annonces incessantes sont délétères. Il est nécessaire de sortir des représentations actuelles de l’éducation et de développer un vrai dialogue social, une véritable collaboration éducative basée sur des alliances partenariales et avant tout faire confiance aux professionnel.les qui agissent au quotidien auprès des enfants, des élèves.