Chrystel Douis, CPE : le sentiment d’avoir réalisé un véritable travail d’équipe…

Chrystel DOUIS exerce au collège Rosa Bonheur de Bruges, proche de Bordeaux, elle nous livre ses analyses sur la période de confinement et sur les périodes à venir...

Chrystel exerce dans un collège situé en milieu urbain (accueillant 650 élèves dont une quinzaine scolarisés sur le dispositif Ulis, avec un poste d’adjoint de direction. C’est un établissement récent né du développement démographique sur le secteur de Bordeaux Nord.

Comment as-tu vécu la période de confinement ?

J’ai très tôt bénéficié d’une liberté totale relativement à la question du suivi des élèves. J’ai donc pu m’organiser à ma guise en concertation avec les professeurs principaux et l’équipe des AED. Une fois le sentiment de solitude dépassé, je me suis mis au travail sur la mise en place de ce suivi. Une de nos premières tâches communes (professeurs principaux, CPE, AED) a été d’effectuer le recensement des moyens et difficultés rencontrées par les élèves en termes de conditions de confinement.

Quelles ont été les conséquences pour les élèves du collège ?

la première conséquence a été la perte de lien avec le collège, perte de lien qui s’est encore accentuée avec les élèves déjà distants de l’Ecole ; la deuxième conséquence a résidé dans la difficulté à gérer l’outil informatique et les logiciels  pédagogiques (Pronote, ENT, Zoom, etc…). Ces deux constats accréditent la thèse du creusement des inégalités car les plus fragiles parmi les élèves l’ont été davantage.

En conséquence le premier objectif poursuivi a été de garder le lien avec le collège, et cela a en général fonctionné : les familles qui étaient distantes de l’Institution scolaire ont manifesté une demande.

Quels liens as-tu entretenu avec les élèves, leurs parents?

D’emblée nous nous sommes positionnés dans une préoccupation bienveillante du bien-être des élèves : garder le contact, créer de la motivation dans les conditions du confinement, recueillir la parole des enfants via les appels téléphoniques, parfois via les courriels adressés aux parents.

J’ai instauré une réunion vie scolaire hebdomadaire en visioconférence afin de faire le point sur le suivi des élèves. Cela nous a permis d’apprécier l’évolution des situations au fil des semaines. Ces bilans ont été très précieux dans la perspective de l’intervention d’autres acteurs tels que l’infirmière et la Psy-EN.

Quelles relations entretiens-tu avec les élèves durant cette période ?

Je me suis réservée tous les cas problématiques et les relations avec les parents, les AED ont été dotés d’un ordinateur portable, ils ont pu ainsi contacter les élèves. Les tableaux de synthèse élaborés par les AED m’ont permis d’aller directement sur les élèves les plus en difficulté.

En outre notre travail a été grandement facilité par le rôle crucial joué par les professeurs principaux en termes de repérage des élèves, ce rôle a été précieux. Nous avons échangé via le logiciel Pronote. La direction  a impulsé une cellule de veille en visioconférence. Toutes ces contributions ont permis de bien suivre les élèves au quotidien.

Nous partageons le sentiment d’avoir réalisé un véritable travail d’équipe, cela fait du bien !

Que penses-tu de ta charge de travail au regard de celle d’avant confinement ?

La charge de travail a été très différente car j’ai dû beaucoup plus planifier, synthétiser depuis mon domicile. Par ailleurs mon activité professionnelle s’est trouvée confrontée au fait que je suis mère d’un jeune enfant et que mon compagnon a télé-travaillé à mi-temps.

Du point de vue de l’amplitude horaire, outre les réunions en visio incontournables, le couplage vie professionnelle/vie familiale m’a imposé de travailler tard le soir et souvent le week-end.

Le bon coté du confinement a résidé dans le mode opératoire à inventer, dans le temps laissé pour réfléchir, affiner des synthèses même si les bilans demandés par la direction ont nécessité plus de temps d’élaboration.

Comment prépares-tu le dé-confinement et le retour des élèves ?

Les élèves de 6ème-5ème sont de retour depuis le 18 mai. Or nous avons reçu le Protocole sanitaire quelques jours avant, cela a généré un grand stress pour construire cet accueil : « deux jours pour mettre au point une mini rentrée scolaire ».

J’ai la chance d’avoir une équipe d’AED efficace sur laquelle je peux compter, c’est une richesse !

Au final sur 150 élèves attendus, la moitié à peine est venue. Cependant ce ne sont pas les élèves attendus (ceux qui nécessitaient de revenir) qui sont venus, pour diverses raisons ces élèves n’ont pas repris le chemin du collège.

Avec les collègues, je partage une inquiétude légitime au sujet de ces élèves qui ne reviendront pas avant septembre.

Qu’est-ce qui dans ton travail va changer désormais ? A partir de la rentrée ?

Les outils de suivi concerté mis en place vont pouvoir être réutilisés avec profit, de même que les tableaux de suivi. En revanche je préfère les réunions en présentiel plutôt que celles organisées en mode visio.

A mon sens le super boulot effectué en distanciel n’a pas remplacé l’activité en présentiel. Là encore je partage avec d’autres le sentiment d’avoir perdu beaucoup avec les publics les plus fragiles.

Bilan de cette période écoulée en quatre mots : stress, créativité collective, inégalités, la suite ?


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