Plusieurs services d'études et statistiques s'intéressent aux qualités physiques des jeunes et des moins jeunes... Visée sanitaire? Visée sportive? Visée éducative? Le ministère semble en tous les cas vouloir généraliser ces procédures de tests physiques...
Les « qualités » physiques intéressent les statistiques… Les tests d’aptitude physique peuvent-ils intéresser l’EPS ?
Les tests « d’aptitudes physiques » à l’entrée en sixième
Le 25 juillet 2022, lors du Conseil Olympique et Paralympique, le président de la République a décidé de faire de la promotion de l’Activité Physique et Sportive (APS) la Grande Cause Nationale 2024 (GCN2024).
Dans ce cadre, il mentionnait, entre autre, la mise en place des tests d’aptitude physique à l’entrée en 6ème dès la rentrée 2024. C’est ce que nous relatait la ministre de l’époque A. Oudéa Castera dans son dossier de presse, relayé ensuite par les médias.
Avril 2025. C’est encore par voies détournées (quotidiens régionaux ou nationaux) que nous apprenons la généralisation, auprès des établissements volontaires, de ces tests d’aptitude physique…
Fin aout 2025… Un message sur nos boîtes mails académiques et un lien vers les ressources associées. Les objectifs associés sont rappelés en ces termes :
- valoriser la place du corps dans le système éducatif : cette évaluation reconnait pleinement l’importance de l’activité physique dans la réussite scolaire et le bien-être des élèves ;
- contribuer à la santé publique : face à une baisse préoccupante de l’endurance chez les jeunes adolescents et à la progression de la sédentarité, évaluer les aptitudes physiques dès l’entrée au collège constitue une démarche éducative de prévention. Elle favorise l’engagement des élèves dans un mode de vie actif et vise à améliorer durablement leur capital santé ;
- faciliter le pilotage à différents niveaux de gouvernance.
Ce dossier apporte des indications plutôt constructives. Il met en avant la place du corps à l’école et mentionne le lien avec une politique d’établissement pilotée par ses acteurs. Cela peut être intéressant, mais apparaît encore comme un outil de plus d’évaluation, mentionné dans un mail le 27 aout… Cette proposition mériterait d’être questionnée au service d’un projet éducatif clair.
Nous rappelons quelques précautions de bases et vous proposons un petit tour d’horizon de différentes études et/ou expérimentations réalisées ces dernières années sur cette même préoccupation.
Tests, dispositifs, intentions, visées… pour quoi ? par qui ? pour qui ?
Pas simple actuellement de démêler les tests, les dispositifs, les intentions, les acteurs et les changements qu’ils pourraient enclencher…
- Il est important de rappeler qu’il ne s’agit ici que d’outils de collecte de données chiffrées, et non pas de démarches pour augmenter la part d’EPS, ou d’activité physique dans l’enseignement. Et encore moins de moyens pour réfléchir et améliorer les apprentissages.
- De même la seule orientation sanitaire ne peut résumer à elle seule, la visée et la pertinence de la discipline EPS au sein du système scolaire… (La seule motivation de santé reste par ailleurs souvent insuffisante, notamment chez les jeunes, pour garantir une implication durable dans la pratique)
- C’est bien aux équipes de construire et choisir leurs outils d’évaluation diagnostique, au regard des besoins de leurs élèves. Et ils n’ont pas attendu ces annonces indirectes pour observer leurs élèves, et repérer les signaux faibles dans leur état de santé.
- Multiplier les tests ne permettra en rien d’améliorer les aptitudes physiques des jeunes.
- Si les expertises scientifiques et de terrain mettent en évidence des besoins spécifiques en matière de santé, il sera nécessaire d’y apporter des réponses au sein du système scolaire, éducatif, sanitaire dans son ensemble. Cela passera par des changements de vision sur le jeune, des changements structurels et des moyens supplémentaires.
Nous avons déjà alerté sur ce sujet, rappelant que l’organisation même de l’école actuellement, met à mal les corps. Mais cela peut évoluer !
Tests Sport Santé » dans l’académie de Créteil
L’académie de Créteil a mis à la disposition des établissements un kit permettant la mise en œuvre de tests dans le contexte d’une seule leçon d’EPS. Ce dispositif appelé « Tests Sport Santé » propose une focale sur les qualités physiques.
L’étude statistique des tests réalisés au mois de janvier 2023, se base sur un échantillon de 13 014 élèves de 6ème ayant passé les tests, scolarisés dans les 30% de collèges de l’académie participants. Les épreuves demandées étaient : vitesse (30m linéaire), Souplesse (flexion du buste), Force du haut du corps (lancer medecine-ball, force du bas du corps (bondissements), endurance (cooper et léger-boucher)
Les principaux constats :
- sur la part cumulée des élèves de niveau confirmés et avancés, un écart de plus de 10 points est montré entre HEP (hors éducation prioritaire) et REP+, au détriment de ces derniers ;
- la part des élèves « débutants », c’est-à-dire dont le faible potentiel physique requiert une attention particulière, notamment en termes de risques sur la santé, est deux fois plus élevée en REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcée) qu’en REP et HEP (hors éducation prioritaire) ;
- les scores comme les performances montrent une baisse du résultat pour les élèves les plus âgés (en classe de 6ème).
Une ancienne étude avait également été menée à Créteil (2021), apportant quelques repères sur les spécificités de notre discipline.
La DEPP s’engage dans des tests de « qualités physiques »
De son côté, la DEPP (direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) a lancé en octobre 2024 la passation de tests de « qualités physiques ». La CFDT éducation a pu participer à la présentation du dispositif par les chercheurs et suivra les résultats.
- Une première étape de trois tests : endurance (test L. Léger), force (saut en longueur sans élan), vitesse (30m) pour 3 078 élèves dans 117 établissements ;
- Une seconde étape de quatre tests : endurance, force, vitesse, souplesse (flexion du tronc en position assise pour 1 031 élèves dans 41 établissements.
Ces tests d’aptitude physique seront renouvelés en 2025. Des modules conditions physiques et coordination s’ajouteront à la passation.
Un premier rapport a été publié ce début avril. Celui-ci montre que les élèves de sixième présentent des qualités physiques contrastées.
- Sur les trois épreuves, 4 % des élèves sont considérés en difficulté et ont donc un besoin d’accompagnement dès le début de l’année scolaire et 19 % des élèves sont considérés comme ayant une qualité physique satisfaisante.
- Les filles et les élèves issus de milieux sociaux les moins favorisés ont des performances inférieures et plus de difficultés identifiées à chacune des trois épreuves de l’évaluation.
- Les élèves obtenant des résultats satisfaisants lors des évaluations nationales ont moins souvent de difficultés identifiées aux épreuves du test de qualités physiques.
C’est cette étude que le gouvernement souhaite élargir.
Le rapport des adultes à l’activité physique : Baromètre Sport-Santé
En février, la Fédération Française d’Éducation Physique et de Gymnastique Volontaire (FFEPGV) publie les résultats de son 14e Baromètre Sport-Santé, réalisé chaque année avec Ipsos France, sur la pratique sportive des Français.
A noter que parmi les français interrogés, seul 4 % s’engage dans la pratique physique pour une motivation liée à la compétition, 57 % pour garder la forme, et 48 % pour se sentir bien.
Et en EPS ces chiffres peuvent-ils nous apporter des éléments pour mieux connaître nos élèves ? Peuvent-ils apporter à l’école des éléments pour repenser son rapport aux corps et aux jeunes dans leur globalité ?
Quels liens à établir avec les compétences attendues ? Ces données peuvent-elles nous aider à réfléchir à nos modalités d’enseignement ? Peuvent-ils nous faire réfléchir à nos modèles de société, à la place de l’école dans ce modèle ? La place du corps à l’école? La place de l’EPS dans les projets d’établissement? Ou ces chiffres sont-ils des données de plus à accumuler, une photo « finish » pour classer, trier, se résigner, se lamenter, briller ?