Climat scolaire, questionnaires, le ministère prend les choses à l’envers

Prendre en compte la parole de l'usager est un des critères qui montre la progression des systèmes éducatifs dans les évaluations internationales. La France n'est pas en avance et cela ne peut pas se faire sans une réflexion majeure sur les conditions de travail de l'ensemble des personnels.

Climat scolaire, de qui et de quoi parle-t-on ?

Une problématique qui dépasse les faits d’actualité

Avant toute chose, il convient de rappeler quelques ordres de grandeur.
Il y a actuellement 6 273 000 élèves scolarisés dans les établissements publics et privés du premier degré. Pour le second degré ce sont 5 636 000 élèves. Ce nombre global est en baisse depuis plusieurs années.

Il y a 386 600 enseignants dans le premier degré et 482 900 dans le second degré. Il faut ajouter à cela, pour bien cerner la notion de climat scolaire, l’ensemble des adultes dont les métiers concourent à la vie quotidienne des établissements (personnels éducatifs, de santé, administratifs, techniques). L’acte d’enseigner ne peut se penser hors de la communauté éducative.

La question du climat scolaire, qui n’est pas nouvelle, s’est invitée dans l’actualité avec le scandale de Betharram, l’institution privée sous contrat ou plus de 200 agressions sur élèves, souvent sexuelles, ont eu lieu entre 1970 et 2000.

Il serait dommage de ne traiter cette question déterminante qu’à travers le prisme d’une actualité dramatique.

Le vécu scolaire des jeunes

À l’échelle internationale, la France se classe très bas sur les indicateurs de bien-être scolaire, notamment en ce qui concerne le stress lié au travail scolaire et le sentiment d’appartenance à l’établissement.

Les jeunes sont très critiques vis-à-vis du système éducatif, qu’ils jugent à 83 % en décalage avec les enjeux actuels. Ils dénoncent un système qui ne favorise ni l’initiative ni l’autonomie, où l’élève reste souvent passif et où l’échec est stigmatisant. Cette pression a des conséquences sur la santé mentale, avec des risques accrus de dépression, de fatigue et d’insomnie chez les élèves insatisfaits.

À cela s’ajoute la terrible réalité de la violence sexuelle subie par les enfants, majoritairement en milieu familial, mise à jour par la Ciivise. 160 000 enfants en sont victimes chaque année. Le calcul de la moyenne a ses limites, mais il permet de donner des ordres de grandeur. Cela revient à un enfant par classe.

Un tri qui a des conséquences

Le tri scolaire et le collège organisé comme un petit lycée participent de ce malaise. La sélection après le baccalauréat renforce également la pression et le stress subi par les élèves et les familles. La logique uniquement programmatique qui prévaut dans les enseignements renforce la ségrégation scolaire.

L’École, qui prend en charge toute une classe d’âge, doit pouvoir organiser un accueil et une orientation des enfants en fonction de leurs besoins. Des élèves apaisés sont ouverts aux apprentissages.Climat scolaire

Une cause majeure du malaise au sein de l’École vient sans doute du caractère encore trop déterminant de la formation initiale des élèves dans l’évolution personnelle et professionnelle du citoyen.

Le vécu des personnels

La question du climat scolaire ne peut évidemment pas s’entendre uniquement du point de vue des élèves et des familles, même si celui-ci est essentiel. La question des conditions de travail de l’ensemble des adultes qui œuvrent au sein de la communauté éducative l’est tout autant.

Les enseignants évoquent une dégradation des conditions d’exercice : charge de travail accrue, gestion plus difficile des élèves, changements fréquents de programmes, manque de moyens pour l’inclusion et précarisation du métier.

Comparé à la moyenne européenne, le sentiment d’efficacité personnelle est en baisse, notamment concernant la gestion de classe et l’adaptation pédagogique.

Les enseignants français sont plus exposés au risque d’épuisement professionnel (« burn-out ») que leurs homologues européens, avec un faible sentiment d’accomplissement personnel et un manque de reconnaissance par l’employeur.

Quelles démarches pour agir sur cette problématique de climat scolaire ?

Diagnostic local et écoute

C’est pour toutes ces raisons que pour la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques, il faut aussi aborder la question du climat scolaire à partir des conditions de travail des acteurs. La démarche de questionnaire mise en avant par le ministère part d’une bonne intention, mais ne tient pas compte de la réalité du travail. Il faut des personnels formés et présents pour recueillir la parole des élèves. Une fois recueillie, cette parole doit pouvoir être orientée dans ou hors l’École en fonction des besoins exprimés.

L’enquête locale de climat scolaire qui concerne tous les membres de la communauté éducative nous parait l’outil le plus adapté pour construire un diagnostic et un projet partagé. Les résultats obtenus donnent une dimension plus globale de la vie d’un établissement qui permet de traiter de la sécurité de tous les acteurs.

Mais comment construire cette dynamique quand la dimension budgétaire reste le prisme essentiel ?

Le ministère édicte des priorités qu’il ne finance pas. Cette année, l’arrêt du pacte au 15 mai et la sous-estimation des enveloppes conduisent des établissements à arrêter « Devoirs faits » en pleine année scolaire ou à ne plus pouvoir financer le référent harcèlement.

Un projet éducatif global pour l’enfance

Surtout, cela ne peut se faire sans un projet éducatif global pour l’enfance, dans lequel l’École prend sa part, mais sans qu’on la charge d’attentes impossibles. Il y a également tous les temps éducatifs, d’activités physiques, culturelles qui doivent s’articuler avec l’institution scolaire. Cela doit se faire en lien avec les territoires.

La convention citoyenne sur les temps de l’enfant, si elle se tient, devra prendre en compte toutes ces dimensions.

La dimension de la prévention primaire doit être la priorité et elle doit être financée. Parce qu’il n’est pas acceptable que le travail engendre tant de souffrance et parce que cela coûte moins cher d’empêcher les violences que de réparer les vivants.

La gouvernance du système éducatif ne correspond plus aux défis que nous devons collectivement relever

Tous les métiers que la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques syndique évoquent le surmenage, la perte de sens, la dégradation des conditions de travail. On a parlé de la surcharge de travail des enseignants, des personnels de santé, d’éducation. Mais celle des cadres (personnels de direction, inspecteurs) inquiète tout autant. On ne peut plus compter les témoignages d’épuisement professionnel et de perte de sens des métiers. L’attractivité de ces fonctions est en baisse comme celle des enseignants.

Le ministère devrait s’inspirer pour s’atteler à ce chantier indispensable à la conclusion du rapport de l’IGAS  : un management de qualité doit reposer sur un « fort degré de participation des travailleurs, une autonomie soutenue par la hiérarchie et la reconnaissance du travail accompli ».

Pour bien s’occuper des enfants, il faut bien s’occuper des adultes.